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La Vie de Quelqu'un
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La Vie de Quelqu'un
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24 janvier 2007

L'histoire de Travian - Chapitre 1

Chapitre 1

Notre petite ville se situe au bord de l'énorme pays duquel parlent beaucoup de mythes et de faits héroïques. Chacun connait le pays, son nom est un des premiers que l'on apprend aux bébés. Son nom est Travian. Notre petite ville s'appelle Hockerheim, elle est dans une vallée entre 2 montagnes. La première s'appelle le Mont-Martin, d'après le nom d'un noble guerrier, qui à partir de cette montagne aurait fait battre les légions romaines en retraite lors d'une embuscade. Le Mont-Martin n'est pas très haut, et peut être considéré comme une colline. Une forêt le borde, mais son sommet est chauve. C'est pourquoi il est courament appelé "Le Chauve". Parce que voyez-vous, vu de la Montagne du Diable ou de loin, le Mont-Martin ressemble à une tête chauve. La partie chauve sert de place d'entraînement aux militaires qui ont déja défendu notre village contre tant d'attaques.

Les gens du village appellent l'autre "Montagne du Diable". Elle est très rocheuse et parsemée de grottes, qui la traversent de long en large. La nuit, la montagne a mille visages. De la fenêtre de ma chambre d'enfant, elle avait longtemps l'air d'un oeil omniscient. Dans mon imagination infantile, l'oeil surveillait mes faits et gestes. Je fus longtemps timide et discret, parce que j'avais peur de faire des erreurs que la montagne ou son esprit puniraient. Je remarquai seulement plus tard qu'à l'intérieur de l'iris, un squelette semblait combattre un ours. A partir de ce moment, je sus ce que la montagne voulait me dire. Elle ne voulait pas m'intimider, mais m'ouvrir les yeux sur ma vraie vocation. Je devais devenir un guerrier. Mais cela vient plus tard.

Lorsque j'étais encore un enfant et que je ne reconnaissais rien dans l'iris de la montagne, je n'avais pas le droit de jouer sur la Montagne du Diable. Ma mère me racontait l'histoire que l'on racontait à tous les enfants de mon village. Il y aurait une sorcière sur la Montagne du Diable, qui résiderait dans des grottes. La sorcière attendrait les petits enfants pour les jeter dans les grottes et les manger la nuit. Il y aurait même eu un enfant qui serait tombé dans une grotte, et lorsque la nuit arriva avec de l'aide, l'enfant avait disparu. Tous les enfants avaient une peur bleue de la Montagne du Diable.

Mon nom est Boris Miles et j'aimerais vous conter mon histoire. Mes parents étaient des paysans et on habitait au bord du petit village. Les paysans n'étaient pas bien vus et personne ne voulait habiter au bord du village parce qu'on était encore moins protégés des attaques. Un attaquant n'avait même pas besoin d'entrer dans la ville pour nous nuire. Il lui suffisait de jeter une torche au-dessus du mur en terre et notre maison brûlerait. Bien sûr, personne ne me disait cela, mais on pouvait le sentir, tout le monde le savait. Dans notre petit village qui portait le nom d'Hockerheim, les gens vivaient dans une crainte permanente. On avait peur de l'orage, on avait peur de la Montagne du Diable, mais surtout, on avait peur des Gaulois, ou même des Romains, qui avaient déja pillé la ville à plusieurs reprises dans sa longue histoire.

Malgré le métier de mes parents et notre situation géographique dans le village, je réussis à acquérir une certaine notoriété dans le village. Mon grand-père vivait dans notre salon et savait raconter les meilleures histoires de tout Hockerheim. Souvent, tout un groupe d'enfants de mon école latine venait dans notre maison paysanne au bord de la ville pour entendre les histoires de grand-père. Grand-père se trouvait toujours dans le salon. Il y était assis dans un siège à bascule devant la cheminée, une couverture nouée autour des pieds. Lorsqu'il racontait une histoire, il fumait une pipe et soufflait la fumée dans la pièce comme ses histoires dans nos têtes. Il avait été commerçant et avait beaucoup voyagé. Il pouvait nous raconter des histoires sur des villes lointaines, réparties sur toute la surface de Travian. Certaines immensément grandes ou immensément riches et splendides. Nous autres enfants raffolions de chaque mot qu'il disait et les intégrions dans notre fantaisie et dans nos jeux. Mais le meilleur, c'était que le soir, j'avais mon grand-père pour moi tout seul, et il me racontait des histoires que personne d'autre ne connaissait.

J’avais toujours rêvé d’être commerçant. Je voulais voyager tout comme mon grand-père et, à son âge, assis devant la cheminée, raconter l’histoire de ma vie à mes petits-enfants et à leurs amis. Toutefois j’avais aussi peur de toutes ces aventures et de tous ces dangers qu’un commerçant doit dominer. En outre il m’était clair que commerçant était un métier dans lequel il fallait constamment prendre des décisions. L’œil de la Montagne du Diable qui regardait dans ma chambre m’observait, faisait attention à moi et me punirait si je prenais une mauvaise décision. Je ne pouvais pas devenir commerçant. C’était beaucoup trop dangereux. J’ai toujours su secrètement que je deviendrais un paysan, comme mon père. Mais dans mon imagination, j’étais un commerçant qui vivait de passionnantes aventures !

Dans notre classe de latin, il y avait un garçon qui voulait toujours être le meneur. Il avait quelques mois de plus, était plus grand d'une demi-tête et incroyablement désireux de dominer. Son nom était Robert Reinhardt. Il vivait dans une maison au milieu de la ville et son père était paladin dans l'armée. Robert faisait faire ses devoirs par ses camarades de classe. Il n'était pas apprécié, mais respecté et craint, tout comme la Montagne du Diable. D'une manière générale, Robert et la montagne semblaient s'attirer magiquement.

Robert avait bien sûr tout de suite ordonné qu'il avait le droit de venir, dès qu'il eut appris que la plupart des garçons allaient écouter les histoires de mon grand-père après l'école. Lui aussi aimait les histoires de grand-père et venait avec nous aux abords de la ville pour écouter les histoires.

Une des histoires de grand-père, qui racontait qu'il avait trouvé un trésor dans une grotte de la Montagne du Diable, fit atteindre le comble de l'excitation à Robert. "Aujourd'hui, nous allons tous 2 sur la Montagne du Diable pour chercher de l'or, Boris!", disait-il parfois de manière toute naturelle et sympathique. Il encouragait aussi les autres enfants à venir avec lui sur la Montagne du Diable, mais à cause des histoires que l'on racontait sur elle et des avertissements de nos mères, nous en avions aussi peur que des Gaulois et des Romains.

Finalement, Robert trouva le bon mélange entre persuasion et ordre pour nous décider à l'accompagner. C'était une sorte d'épreuve de courage. Lorsque 2 camarades se dirent prêts à l'accompagner, ils devinrent les héros de la classe. Chacun le sentait. Il profitaient de leur rôle et désignaient les autres comme poules mouillées. Robert et les 2 autres réussirent à rallier de plus en plus de garçons de la classe à leur cause. Lorsque tous mes amis étaient prêts à y aller, je ne pus que me joindre à eux, même si je craignais la montagne et que j'avais peur que l'oeil qui m'observait tous les soirs me punisse durement pour cela. A la fin, 12 enfants participèrent et 4 évitèrent l'épreuve qui devait se terminer si mal.

Le jour suivant, c’était parti. Après l’école nous ne sommes pas allés rendre visite à mon grand-père, mais chacun courut chez lui pour préparer ses provisions et son équipement. Nous nous rencontrâmes au vieux moulin, qui était abandonné depuis des temps immémoriaux et dans lequel nous jouions si souvent avec nos frères et sœurs. La plupart d’entre nous était au rendez-vous. Un garçon du nom de Markus (on se moquait souvent de son nom romain) apporta même son chien. Nous nous rendîmes vite compte qu’un chien n’était pas le compagnon idéal pour l’ascension de la Montagne du Diable et Markus le renvoya chez lui. Enfin nous partîmes à huit. Les quatre autres avaient probablement eu peur ou étaient privés de sortie. « Notre classe est donc composée d’une moitié d’hommes et d’une moitié de trouillards », affirma Robert.

L'ascension était difficile. Il n'y avait que peu de chemins vers le haut. Parfois, il fallait escalader des murs de roche. La plupart du temps, mon coeur battait si fort que je pensais qu'il allait me sortir de la poitrine, mais je ne pouvais montrer ma peur aux autres. Après environ 2 heures d'ascencion, nous fîmes une petite pause dans une grotte. Il y avait des hommes qui pensaient sérieusement que les habitants de Hockerheim vivaient dans les grottes autrefois. Markus sortit son goûter du petit déjeuner. Il dit avoir jeûné ce matin pour l'avoir maintenant. Robert et quelques autres se moquèrent de lui, mais moi aussi j'avais faim. Le soleil était déjà assez bas. Il devait être tard dans l'après-midi. "Rentrons, sinon nous ne serons pas revenus avant la tombée de la nuit !". "Ha, le peureux ! Tu n'as qu'à rentrer seul chez ta mère!", se moqua Robert.

La dernière partie était la plus raide. Nous ne grimpions presque plus qu'à des murs de roche raide, et nous attrapions fougères et racines pour nous hisser. Lorsque nous arrivâmes en haut, nous ressemblions aux travailleurs qui sortent des mines d'acier. La vue était grandiose. On pouvait voir les champs dans lequels travaillaient mes parents. Mais on voyait encore beaucoup plus loin. D'un coté, l'horizon s'arretait dans la direction de la mer, des autres entre des collines et des forêts. Bien sûr, on voyait aussi le "Chauve", donc le Mont-Martin. De si loin en haut, il ressemblait à une petite colline déformée. Nous nous moquâmes du Mont-Martin, sur lequel les grands guerriers de nos villages s'entraînaient quotidiennement. Mais Robert nous réprimanda. Si on insultait le Mont-Martin, on insultait le père de Robert, et si on insultait le père de Robert, on insultait Robert. Nous savions que nous ne serions pas rentrés avant la tombée de la nuit. Mais Robert était obsédé par l'idée qu'il y avait un trésor dans une petite grotte au sommet, et nous devions l'attendre. Impatients, nous attendîmes une éternité et regardâmes le soleil se coucher dans la mer.

Peut-être aurions-nous tous péri cette nuit-là, et ne serais-je pas là pour raconter mon histoire, ne l'aurais-je même pas vécue, si Robert n'avait pas cherché son trésor dans la Montagne du Diable. Bien sûr, il y eut des propositions de rentrer sans Robert, mais elle furent noyées dans d'interminables dialogues de doute et de responsabilités. Je me rapelle encore bien comment Robert sortit en rampant d'une petite grotte. Il n'y avait probablement aucun endroit sur Robert qui n'était pas recouvert de boue. Notre colère envers Robert, qui poursuivait ses idées ridicules, nous unissait, malgré notre désir à tous de retrouver nos lits chauds et nos familles, qui avaient probablement arrêté de nous attendre pour le repas et se faisaient du souci pour nous. Robert lui-meme était le plus frustré. Bien sûr, il n'avait trouvé aucun trésor, et il avait fouillé à tâtons toute la grotte qui était aussi sombre que Robert dépendant de ses mains. Il s'était valsé dans la boue et n'y avait rien gagné.

Dans notre rage, nous ne remarquâmes que tard que quelque chose n'allait pas. Parfois, on sent intuitivement que quelque chose ne va pas. La pensée nous est pénible, comme lorsque l'on a trop crié et qu'il faut parler, nos sens sont en éveil et notre coeur bat plus fort sans raison visible. Il en était ainsi chez moi cette nuit-là, mais je le mettais sur le compte de ma haine intarissable envers Robert. D'abord, Markus dit avoir entendu un bruit étrange. Nous le traitâmes de poule mouillée, parce que nous pensions que la visite nocturne de la Montagne du Diable l'avait un peu secoué. Puis, nous l'entendîmes aussi : des cris dans le lointain. Aucun animal n'avait ce cri, nous étions d'accord. Nous nous rapprochâmes et devînmes plus prudents. Soudain, il n'était plus question de rentrer vite à la maison : nous courions pour notre vie. Puis nous les vîmes : des nuages noirs, épais, montés le long de la Montagne du Diable. Nous accélérâmes notre descente. Toutes les terribles histoires sur la Montagne du Diable semblaient s'être réalisées. Nous descendions de plus en plus vite. "Attendez!" criait Markus qui n'en pouvait plus. Nous ne pouvions attendre, nous courions pour nos vies. Mais tout était différent. La menace ne venait pas de la sombre silhouette d'une sorcière que je pensais distinguer dans la fumée. Nous continuâmes à courir. En plein vers les flammes et les cris d’agonie, tout en descendant la Montagne du Diable. Notre village brûlait. Nous le vîmes d'un surplomb rocheux, restions immobiles en regardant pensivement les flammes. Markus nous rattrapa et demanda ce qui se passait. Nous ne repondîmes pas, et lorsqu'il se rapprocha de notre village en flammes, il demanda : "Que s'est-il passé ?" Nous courûmes de plus belle. Droit sur les flammes et les cris d’agonie, dévalant les pentes de la Montagne du Diable. Nous les vîmes grimper après. C’était des Gaulois. Je les reconnaissais grâce aux histoires de mon grand-père. Un fier peuple de cavaliers. Leurs chevaux étaient blancs et ne venaient pas des forêts de Travian. Ils n’avaient pas de riches bijoux ou de magnifiques équipements comme les Romains. Ils attaquent, assassinent et pillent dans l’arbitraire le plus complet, pensai-je alors. Ils parlent peu, et lorsqu’il le font, c’est avec une épée. Les Gaulois. Les sabots de leurs chevaux ébranlèrent le sol, lorsque ceux-ci retournèrent d’où ils étaient venus. Dans l’obscurité la plus profonde. Je courus vers ma maison. Tout autour de moi, des bâtiments en feu, des enfants pleurant, des hommes fourbus et des femmes en deuil. D’autres, plus calmes, formaient des chaînes pour éteindre les incendies. Ils réclamaient de l’aide, mais je ne pouvais pas m’arrêter. Je devais aller à la maison. Je voulais aller chez moi. Je me suis fait des reproches d’avoir été sur la Montagne du Diable, je croyais que l’attaque était de ma faute, parce que j’avais fait quelque chose d’interdit, sans penser à ma famille et à mon village. La porte de la maison avait volé en éclats.

Doucement, j'entrai dans la maison, et le bois sous mes pieds grinçait plus fort que d'habitude. J'oubliai toutes les craintes autour de moi, je n'entendis plus les cris de désespoir à l'extérieur. Je n'entendais plus rien, mis à part les grincements sous mes pieds. Le bois grinçait à peine lorsque je posais mon pied, mais lorsque je m'appuyais sur ce pied, il y avait de longs, puissants grincements. Le bruit avait toujours existé, mais je ne l'avais jamais remarqué. Maintenant, il avait toute mon attention, il m'emplissait, tous mes sens étaient fixés sur lui. Sur le grincement et sur un faible sanglot dans le salon. Je me rapprochai du sanglot qui devint de plus en plus fort. Ma mère était assise par terre, elle avait la tête de mon grand-père posée sur les genoux et respirait la douleur. Le siège à bascule était vide, et ne se balancait pas. Je restai fixe et regardais ma mère sangloter. Je ne pouvais pas bouger, je ne pouvais rien dire, ni pleurer ou jurer. Ma mère mit un certain temps avant de remarquer que j'étais là, mais elle me regarda d'une manière sûre comme si elle avait toujours su où j'étais. Elle me dit d'une voix pincée : "Va dans ta chambre et ne sors pas avant que je te cherche ! Allez !" Je pliai mes membres, auquels je n'aurais plus confié un seul mouvement, automatiquement. J'écoutai mes grincements, claquai la porte de ma chambre et regardai par la fenêtre.

Le temps autour de moi était suspendu. Je pouvais à peine réfléchir, car à chaque fois que je tentais de rassembler mes idées pour analyser ma situation, une pensée primait sur toutes les autres : « ton grand-père est mort ! ». Je regardai à la fenêtre et vis la Montagne du Diable. Je ne pouvais pas pleurer, non, je ne pouvais pas pleurer, j’étais debout, silencieux, comme la Montagne du Diable elle-même, et nous nous examinions l’un l’autre, comme je l’avais déjà si souvent examinée. L’œil, que je voyais dans ses reliefs depuis ma plus tendre enfance, avait l’air menaçant, provocant, pas comme d’habitude. Il avait perdu son expression bienveillante et omnisciente. Il semblait même me blâmer de n’avoir pas suivi ses conseils. En même temps, il semblait chercher à me provoquer. Il m’a fallu du temps, beaucoup de temps à chercher dans sa silhouette, avant que je ne comprenne pourquoi… Je regardai l’œil, et l’œil me regardait. J’essayais de résister à son regard. Je n’avais pas besoin de me justifier, l’œil me connaissait, il connaissait la moindre de mes pensées, il était au courant du moindre de mes gestes. Je me demandais si l’œil savait comment régler ma dette. Devais-je lui offrir des sacrifices ? Devais-je prier trois fois par jour ? Moi, je ne le savais pas. Soudain, je perdis l’œil de vue. Je ne voyais plus l’œil simple que j’avais toujours vu. Je voyais une autre structure dans l’iris. Elle n’était pas si claire et dominante que l’œil lui-même. Mais maintenant je voyais tout-à-fait clairement une lutte dans la petite inégalité des rochers. C’était un squelette dont les membres semblaient maigres et faibles. Mais cette silhouette décharnée se battait : elle avait maîtrisé l'ours.

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